Communiqué Rapport temps de travail dans la fonction publique le 24 juin 2016
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Montreuil, le 13 juin 2016
Mme Annick Girardin
Ministre de la Fonction publique 80, rue de Lille
75007 PARIS
Le rapport sur le temps de travail établi par monsieur Philippe Laurent a suscité beaucoup de commentaires. Certains vous sont d’ailleurs attribués.
Tout a été dit sur le travail des fonctionnaires, principalement du mal de la part des commentateurs. Pourtant personne n’a relevé que dans les durées annuelles de travail, les sapeurs-pompiers se voyaient attribuer 2564 heures/an (tableau 2 page 30, et tableau de cumul des données de 2011 à 2014, page 131). Alors que le plafond annuel est de 2256h depuis 2013, en application de la directive européenne de 2003 (2400 heures depuis 2005 et 2520 heures depuis le décret 2001).
Pourtant la Gazette des Communes rapportait vos propos comme suit “un certain nombre d’entre eux, les infirmiers, les policiers, les sapeurs-pompiers faisaient de droit moins de 35heures en compensations légitimes à leurs fonctions” (extrait du 26 mai 2016).
Madame la Ministre, sans remettre en cause les dispositions des deux autres professions citées, les sapeurs-
pompiers dans leur majorité ne sont pas traités comme vous le décrivez. Mais ils n’ont jamais été aussi nombreux à le souhaiter.
Les sapeurs-pompiers sont plus près de 2256 heures annuelles effectuées, mais rémunérées sur une base de 1607 heures…et pas une heure supplémentaire.
D’autres particularités des SDIS sont aussi mentionnées dans ce rapport. Pour autant le Ministre de
l’Intérieur, bien qu’informé, n’a pris aucune réelle mesure, excepté quelques timides recommandations.
De plus, les cumuls d’activités au profit de l’employeur vont aussi perdurer, avec la complicité du plus grand nombre.
Contrairement à certains propos électoralistes tenus, le rapport dresse le constat suivant : “les fonctionnaires ne sont pas les enfants gâtés de la République”.
Depuis septembre, et malgré nos demandes, le ministre de l’Intérieur n’a toujours pas trouvé l’occasion de
nous recevoir, quand d’autres ont trouvé porte ouverte.
Madame la Ministre, nous sollicitons donc une entrevue afin de vous exposer plus en détail les éléments que ce rapport n’a pas mis en lumière.
Nous vous adressons, Madame la Ministre, nos sincères salutations.
Pour la Fédération CGT des Services publics,
Baptiste TALBOT,
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Montreuil, le 24 juin 2016
Rapport temps de travail dans la fonction publique
Le rapport sur le temps de travail dans la fonction publique établit par M. Philippe LAURENT président du C.S.F.P.T., fait 34 recommandations.
4 axes articulent l’analyse :
- fixer les 1607 heures comme moyenne effective de travail dans la fonction publique quand aucune sujétion ne justifie un régime inférieur ;
- moderniser les organisations de travail pour mieux s’adapter aux besoins des usagers (annualisation, moins de cycles co-existants, forfait…);
- garantir plus d’équité entre fonctions publiques et entre agents placés dans des situations comparables (astreintes, ASA*, compensation des sujétions…) ;
- assurer un meilleur suivi du temps de travail et une plus grande transparence (labellisation, bilans sociaux….).
Le préambule méthodologique, précise que la notion de temps de travail est complexifiée par le fait que la durée théorique de travail diffère de la durée réglementaire, par le jeu de mesures locales communes à l’ensemble des travailleurs au niveau des établissements ; existence de jours locaux (Alsace-Moselle, DOM,…), jours de fractionnement systématiquement attribués, etc.
Le rapporteur admet que la mesure de la durée de travail de salariés peut passer par deux approches, l’une par l’employeur, l’autre par le travailleur lui-même.
Il n’oublie pas de rappeler qu’à l’origine la mise en place des 35h n’était pas prévue pour la fonction publique, s’agissant d’une stratégie économique de création d’emplois dans les entreprises du secteur privé, et aurait dû remettre en cause l’organisation du travail dans les administrations.
Si la mise en place des jours de RTT en compensation d’une présence hebdomadaire supérieure aux 35h, n’est pas remise en cause par le rapport, la mesure 5 préconise de réserver le bénéfice des jours de fractionnement aux seuls fonctionnaires travaillant 7 heures par jour et 35h par semaine et ne bénéficiant pas de jours de RTT.
Tableau n°2 : Durées annuelles de travail pour certaines professions de la fonction publique (hors enseignants, magistrats, militaires et médecins hospitaliers) Moyenne 2011-2014 | |
Personnels de directions et ingénieurs | 1 742 |
Administratifs de catégorie A – État | 1 787 |
Administratifs de catégorie A – Collectivités locales et hôpitaux | 2 073 |
Infirmiers, sages-femmes, puéricultrices | 1 696 |
Animateurs socioculturels et de loisir | 1 509 |
Administratifs de catégorie B – État | 1 571 |
Administratifs de cat. B – Collectivités Locales et hôpitaux | 1 730 |
Adjoints administratifs de l’État | 1 485 |
Agents de service – autres établissements | 1 402 |
Agents de service hospitalier | 1 572 |
Aide-soignant(e)s | 1 593 |
Agents de la Police nationale | 1 673 |
Pompiers | 2 564 |
Un tableau qui prête à sourire …ou pas ; la ministre de la fonction publique assurant que les sapeurs-pompiers sont particulièrement concernés par les sujétions particulières, permettant de descendre sous les 1607 heures.
Le rapporteur précise que les dispositions communes aux trois fonctions publiques, et le bénéfice de report des congés annuels à l’année suivante pour cause de maladie, devraient faire l’objet d’une réécriture intégrant la possibilité du paiement des congés non pris.
Le rapporteur évoque la difficulté de réduire les jours de RTT, en diminuant simplement la durée des journées de travail, cela remettrait en cause l’organisation du travail, ce qui est irréalisable sans établir un dialogue constructif préalable.
Il souligne aussi le fait que certains agents du fait du travail de nuit ou du travail le dimanche et les jours fériés, ont un régime réglementairement inférieur à 1607h.
Le rapport ne fait que rarement état des contraintes horaires des sapeurs-pompiers, nous reconnaissant des contraintes d’interventions permanentes, des problématiques de cumuls d’emploi de sapeur-pompier professionnel avec des interventions comme sapeur-pompier volontaire, mais omet de signaler que nous n’avons pas de compensation pour le travail de nuit
Tableau n°6 : Comparaison des compensations pour les agents travaillant de nuit
Travail de nuit exclusif | Travail de nuit exclusif | Travail de nuit occasionnel | |
Durée hebdomadaire | Durée annuelle | ||
Personnels soignants à l’hôpital public | 32h30 | 1 476 heures (réglementaire) | Coefficient de 1,077 heure pour 1 heure |
Police nationale | 32h40 en moyenne
|
1 416h38
(données Cour des comptes) |
Coefficient de 1,5 heure pour 1 heure pour les permanences de nuit |
Douaniers affectés dans les services de surveillance | 1563 heures
(réglementaire) |
1 563 heures annuelles | |
Démineurs | n.c. | n.c. | Coefficient de 2 heures pour 1 heure |
Agents d’une grande ville | 32h10 | De 1 474 heures à 1 480 heures (selon le nombre de jours fériés) |
Le rapport dénonce clairement la non-maîtrise des heures supplémentaires, dans l’ensemble des fonctions publiques, et précise qu’à l’hôpital, et dans la police nationale il existe un stock important d’heures supplémentaires ni payées ni récupérées.
Les sapeurs pompiers en équipe de garde qui atteignent le plafond de 2256 heures, sont exclus des dispositifs d’heures supplémentaires (mais dans le même temps cumulent avec l’activité en qualité de sapeurs pompiers volontaires Page 61).
Les Comptes Epargne Temps et les Autorisations Spéciales d’Absence (ASA) autres que pour motifs syndicales sont abordées pour leurs impacts financiers sur les comptes publics. L’absence de norme commune pour les ASA, fait l’objet d’une recommandation (n°23 : Elaborer une norme commune pour les autorisations spéciales d’absence). Rabotage garanti !!!
Le rapport aborde ensuite les sujets, de l’usage de la badgeuse sur les comportements et notamment au regard de la gestion des heures supplémentaires.
Si les sapeurs pompiers en unités opérationnelles comme certains services de sécurité (police, surveillants pénitentiaires) tout comme à l’hôpital par des rythmes de travail liés aux contraintes particulières des plannings de présence, les cadres et PATS peuvent être concernés par l’implantation de badgeuses. Indépendamment
Commentaires : le badgeage permet de se faire payer les heures effectuées (ou récupérer), sauf l’écrétage de fin de mois dont le rapport ne parle pas…écrétage au bénéfice de l’employeur. (au-delà d’un seuil défini, le nombre d’heures supplémentaires est écrété), les heures dues elles ne le sont jamais.
Les personnels et cadres qui ne badgent pas peuvent se retrouver à travailler au forfait, pour lesquels un temps de travail excessif, ne respectant parfois pas les règles du droit communautaire, crée une situation inquiétante. Ne badgeant pas, les heures ne sont plus comptabilisées, mais certains cadres déclarent travailler entre 45h et 70h par semaine.
Les technologies numériques ont provoqué une explosion d’un temps de travail « invisible », notamment pour les cadres dotés d’un smartphone et d’un ordinateur portable, qui incite à emporter du travail à domicile, soir et week-ends. Le rapport aborde également les problématiques de la mise en place du télétravail, qui fragilise et suscite des craintes quant à son impact sur le collectif de travail.
Au fil de la mission s’est installée la conviction que la question du « temps de travail » était en réalité indissociable du contenu des missions de service public et l’organisation du travail au sein des services publics. L’absence d’une « inspection du travail » propre à la fonction publique ne permet pas le contrôle du respect de la réglementation du temps de travail dans les administrations. Sa création pour la fonction publique fait l’objet de la recommandation n°34.
Le rapporteur conclue que « le temps de travail est un enjeu politique, humain, social et financier dans le secteur public comme dans le secteur privé. Les propositions de ce rapport devront être portées politiquement à un haut niveau afin que le secteur public soit exemplaire »
Nous avons également extrait des annexes, les éléments suivants qui reprennent les singularités rencontrés chez les sapeurs-pompiers.
P151 : S’agissant du seuil des 48h, l’article 22 de la directive prévoit une dérogation plus générale puisque selon cet article un État membre a la faculté de ne pas appliquer l’article 6 sur les 48 heures hebdomadaires tout en respectant les principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs et à condition qu’il assure, par les mesures nécessaires prises à cet effet, que :
- aucun employeur ne demande à un travailleur de travailler plus de quarante-huit heures au cours d’une période de sept jours, calculée comme moyenne de la période de référence visée à l’article 16, point b), à moins qu’il ait obtenu l’accord du travailleur pour effectuer un tel travail ;
- aucun travailleur ne puisse subir aucun préjudice du fait qu’il n’est pas disposé à donner son accord pour effectuer un tel travail ;
- l’employeur tienne des registres mis à jour de tous les travailleurs qui effectuent un tel travail ;
- les registres soient mis à la disposition des autorités compétentes qui peuvent interdire ou restreindre, pour des raisons de sécurité et/ou de santé des travailleurs, la possibilité de dépasser la durée maximale hebdomadaire de travail ;
- l’employeur, sur demande des autorités compétentes, donne à celles-ci des informations sur les accords donnés par les travailleurs pour effectuer un travail dépassant quarante-huit heures au cours d’une période de sept jours, calculée comme moyenne de la période de référence visée à l’article 16, point b)133.
P152 : L’utilisation de la clause d’opt-out a crû fortement, d’un Etat utilisateur (le Royaume-Uni) à 16 Etats dont cinq permettent son utilisation dans tous les secteurs. En France, elle a récemment été utilisée pour les médecins (cf. infra). La Commission insiste sur la nécessité de suivre et d’enregistrer le temps de travail des travailleurs concernés.
La prise en compte des gardes, avec le régime d’équivalence, a dû être revue notamment pour les sapeurs-pompiers et les médecins
Si la directive définit le temps de travail et le temps de repos, elle ne précise pas la notion de temps de garde ou temps d’astreinte. La jurisprudence de la Cour de justice a comblé ce vide en 2000 et en 2003 (arrêts SiMAP-Jaeger et Dellas) en assimilant les périodes de garde des médecins à du temps de travail. Selon l’arrêt « Dellas » du 1er décembre 2005, l’horaire d’équivalence, qui établit entre les heures de présence et les heures de travail effectivement décomptées un rapport de 3 à 1 pour les neuf premières heures, puis de 2 à 1 pour les heures suivantes et qui est applicable aux salariés pour les services de surveillance nocturne pendant lesquels le personnel n’est pas constamment sollicité est contraire à la directive. La CJUE considère en effet que « le facteur déterminant pour considérer que les éléments caractéristiques de la notion de «temps de travail», au sens de la directive 93/104, sont présents dans de tels services de garde qu’un travailleur effectue sur le lieu même de son emploi est le fait qu’il est contraint d’être physiquement présent au lieu déterminé par l’employeur et de s’y tenir à la disposition de ce dernier pour pouvoir immédiatement fournir les prestations appropriées en cas de besoin. »
Alors même que la réglementation nationale paraissait prévoir une durée maximale hebdomadaire de travail plus favorable que la directive temps de travail (44 heures max sur 12 semaines consécutives), le mode de décompte des services de garde privait la directive de son effet utile sur la santé (diminution de la durée d’exposition hebdomadaire), en rendant possible un temps de travail de 60h par semaine ou plus au sens de la directive.
P153 : Cette question de la prise en compte des temps de garde s’est posée aussi pour les sapeurs-pompiers.
En septembre 2012, la France a reçu une mise en demeure de la commission européenne concernant le temps de travail des sapeurs-pompiers qui pouvaient être soumis à un régime d’équivalence pour les gardes de 24 heures par le décret du 12 juillet 2001. La commission a rappelé que le temps de garde était considéré comme du temps de travail. Par ailleurs, le temps de travail des sapeurs-pompiers était annualisé, l’année étant la période de référence notamment pour vérifier le respect des durées maximales hebdomadaires : or, la commission a rappelé que seuls un accord collectif ou une convention pouvaient porter la durée de référence à un an, des dispositions réglementaires ne pouvant la porter au-delà de six mois. Elle a aussi estimé que le fait que les sapeurs-pompiers soient logés ne permettait pas de déroger au plafond.
Le décret n° 2013-1186 du 18 décembre 2013 a eu pour objet de rendre compatible le régime du temps de travail des SPP, notamment quand ils travaillent en régime d’équivalence, en garde de 24 heures, avec les prescriptions de la directive. La période de référence pour l’appréciation de la durée moyenne de travail de 48 heures maximum pour chaque période de sept jours, y compris les heures supplémentaires, a ainsi été ramenée à 6 mois. Un plafond semestriel de 1128 heures a ainsi été fixé pour respecter la limite maximale de 48 heures hebdomadaires travaillées en moyenne sur 47 semaines de travail. Ce décret du 18 décembre 2013 a abaissé le plafond annuel du temps de travail des SPP à 2256 heures (au lieu des 2400 heures fixées auparavant) et maintenu l’encadrement du recours aux gardes de 12 heures et de 24 heures par le respect de périodes de repos au moins équivalentes.
Pour terminer, nous ne pouvons que constater qu’une décision administrative française sur la question de la durée de travail hebdomadaire des sapeurs-pompiers conclue que les règles «ont pour effet de rendre impossible plus de deux gardes de 24 heures par semaine » (TA Grenoble n°1405385).
Conclusion : le temps de travail est un chantier sans cesse en évolution, la fonction publique, et les sapeurs-pompiers devront certainement s’adapter à de nouvelles donnes dans les temps prochains. Il appartiendra aux agents de rester mobilisés pour que ces modifications ne soient pas des reculs.
Télécharger le courrier de la fédération CGT des services publics a la ministre de la fonction publique ICI Télécharger le communiqué et le rapport en pdf ICI
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